Goodwood Revival 2024
Textes et photos par Valentin Bourgeois.
"Donnez moi Goodwood un jour d'été et j'oublierai le reste du monde"...
Si Roy Salvadori, illustre pilote automobile britannique, le dit, c'est parce que Goodwood est un endroit hors du temps. Après une première et mémorable visite au Festival of Speed à l'été 2024, je retourne sur les terres de Lord March en septembre afin de découvrir le fabuleux Revival. Pas de course de côte ici, la Goodwood House et ses sculptures sont mises de côté afin que pilotes et montures puissent prendre possession du Goodwood Motor Circuit, légendaire tracé anglais de 3,809 km autour de l'aérodrome éponyme. Les anglais ne connaissant pas le principe de "demi-mesure", le dress code années 50 est respecté à 100%, les animations en et hors piste sont de premier choix et l'action de qualité. Embarquez pour un voyage temporel dans une époque insouciante dont les plus jeunes d'entre nous - moi y compris - rêvent d'avoir vécu...
Jour 1, vendredi 6 septembre - Premier contact
Cette introduction à tendance nostalgique et rêveuse laisse penser que cet événement se déroule sans encombres avec la plus belle des météos et un plaisir infini. Et pourtant, c'est sous un déluge infini que je découvre le Revival, où les guêtres et mocassins sont remplacés par les bottes de chasseur. C'est parti pour un court premier jour placé sous le signe de la découverte !
Le vendredi, les plateaux s'enchaînent afin de découvrir la piste et se qualifier pour les différentes courses. Je profite un peu du moment et ne prends pas tant de photos que cela, le Revival ayant fait partie de mes rêves depuis plus de 15 ans. Il faut parfois savoir laisser l'appareil de côté et profiter de ses propres yeux !
Entre les plateaux, les Ford GT40 MkIV de Ford UK prennent la piste pour des tours de démonstration, peu importe la météo !
Positionné au premier virage, le "Magdwick Corner", c'est l'endroit idéal pour apprécier les excès de confiance ou les dérives maîtrisées, sous les applaudissements du public toujours plus nombreux.
Les plateaux s'enchaînent tandis que je me balade autour du circuit. Il devient très vite un terrain de jeu idéal car dépourvu de barrières FIA, seule une petite clôture surplombant un mur de pneus nous sépare de la piste, comme à l'âge d'or de la course automobile, de quoi me donner une liberté créative illimitée, d'autant plus que je ne dispose pas d'accréditation presse...
Chers lecteurs, j'ai failli à ma tâche. Ce seront les seules photos que vous verrez de ce premier jour compliqué au Revival, pour des raisons variées qui resteront confidentielles. Petite ellipse dans le temps pour le deuxième jour qui sera bien plus riche en émotions !
Jour 2, samedi 7 septembre - À l'attaque du circuit !
Il est bien trop tôt lorsque le réveil sonne pour le deuxième jour, mais, tout comme moi, vous savez pertinemment qu'on se lève beaucoup plus facilement un matin d'événement que pour aller travailler. La journée commence avec une parade de Meyers Manx, ces buggies californiens normalement plus à l'aise sous le soleil des plages de Santa Monica. Près d'une cinquantaine de modèles sont réunis derrière la Jaguar Type E Safety car pour deux tours de parade des plus sympathiques !
C'est ensuite l'heure de la course du Goodwood Trophy, mettant en valeur les "voiturettes" et voitures de Grand Prix des années 1930 à 1950. Le V16 hurlant de la BRM nous réveille de la meilleure des manières !
Nous retrouvons ensuite la session d'essais libre du Royal Automobile Club TT Celebration, aussi appelé RAC TT, et ses batailles légendaires entre AC Cobra et Jaguar Type E !
Au Revival, s'il y a une course que tous attendent avec impatience, c'est la Settrington Cup. Depuis 10 ans, les mini-pilotes se disputent la victoire sur une partie de la ligne droite des stands au volant d'Austin A40 "Pedal Car". Cette micro-course d'un charme tout particulier permet notamment de découvrir les stars-en-devenir parmi les enfants des participants au Revival, parmi lesquels certains des plus grands noms de l'automobile classique !
Les petites voitures à pédales laissent ensuite place aux plus imposantes GT des années 1955 à 1960 dans le Fordwater Trophy, avec les belles Porsche 356 qui tentent de résister face aux Triumph et autres MG.
Le Revival c'est aussi, à l'image du FOS, un hommage chaque année à une marque ou une personnalité ayant marqué l'histoire de l'automobile. Cette édition, c'est à John Surtees que les hommages de Lord March sont rendus grâce à sa mémorable carrière en automobile et moto. Imaginez un peu, il s'agit du seul pilote à avoir été à la fois champion du monde de moto et de Formule 1 ! C'est une invraisemblable lignée de voitures pilotées par ses soins qui se présente dans la ligne droite des stands, tandis qu'une minute de silence est respectée en son honneur. Tous rassemblés autour des plus beaux exemplaires de sa carrière, dans un profond respect envers le pilote, l'homme et son palmarès.
Ce moment solennel laisse place à une nouvelle averse, il est donc temps de trouver un peu de refuge au saloon des cow-boys, thème majeur de cette édition du Revival !
Puis, on retourne en piste pour la Magdwick Cup et ses barquettes des années 1955 à 1960 !
Avant d'apprécier les symphonies en 6 en ligne majeur du moteur XK Jaguar, à l'occasion de ses 75 ans !
Alors que le soleil fait une timide percée, les voitures les plus puissantes et les plus rapides du week-end prennent la piste lors du Whitsun Trophy. Je retrouve mes chères GT40 parmi les Lola T70 Spyder et leurs V8 hurlants !
La lumière commence à décliner lorsque le tour du Stirling Moss Memorial Trophy arrive : la course la plus prestigieuse, avec ses Ferrari 250 GT SWB, ses Jaguar Type E, ses AC Cobra et ses Aston Martin DB5 ! Je commence à me faire au circuit, en découvrant des spots bien jolis dans l'infield, autorisant des superbes filés à très basse vitesse (un tiers de seconde ça vous dit ?).
Lorsque l'action en piste est terminée, celle hors piste reprend de plus belle grâce à de superbes mises en scène, à la fois chez les constructeurs présents que sur des thématiques données, sans oublier le show au coucher de soleil de deux Spitfire et leur moteur entêtant. Regardez un peu cette mise en scène chez BMW, avec un magnifique atelier d'époque où nous pouvons déambuler librement !
Jour 3, dimanche 7 septembre - C'est déjà fini ?
À l'aube du troisième jour sur place, j'ai l'impression de ne pas avoir tout découvert mais la pluie incessante me donne qu'une seule envie : me réfugier dans le Earl's Court Motorshow, là où, selon la publicité sur ses murs extérieurs, on découvre les voitures de demain aujourd'hui ! Habilement présenté dans un hangar recouvert d'une devanture imitant les théâtres américains de l'époque, les constructeurs y prennent leurs quartiers pour présenter anciennes et récentes, dans une mise en scène toujours plus soignée et ô combien qualitative. Le nouveau Meyers Manx 100% électrique y tient une place de choix autour des "Tiki beach", tandis que la laverie Mini est beaucoup trop belle pour ne pas s'y arrêter, avec des animations façon jeu télévisé des années 60. In-cro-yable !
Je profite ensuite d'une accalmie pour retrouver les paddocks où les voitures hommage à John Surtees sont stationnées. L'ambiance est ici aussi surréaliste, j'ai l'impression de me trouver dans un paddock des années 60 pendant des essais libres de la Scudera Ferrari, jusqu'à l'emplacement réservé à la Porsche 356 Carrera 2 d'un certain M. J.N. Surtees...
En piste, les Richmond & Gordon Trophies battent leur plein avec leurs voitures de Grand Prix à moteur 2,5l de 1952 à 1960, une catégorie que l'on peut notamment retrouver au Grand Prix de Monaco Historique, un événement qu'il nous reste à découvrir !
"Ma" Settrington Cup revient avec sa ligne de départ ultra colorée et sa dose d'insouciance enfantine. Quelle idée fantastique qui rassemble tout le monde le long de la ligne droite des stands, dans des applaudissements et encouragements sans failles !
Les Jaguar reviennent en piste à l'occasion d'une nouvelle parade des 75 ans du moteur XK !
Au Revival, il y a aussi des courses de motos classiques, pour lesquelles la tradition après l'arrivée est de faire un tour de circuit dé-casqué, avec la couronne de lauriers autour du cou et le cigare en bouche. Quand je vous dis que c'est hors du temps !
J'espère que vous êtes accrochés et prêts pour ce qui arrive. L'anniversaire des 80 ans du débarquement ont aussi été un moment phare de l'année 2024, Goodwood ne voulait pas déroger à la règle en proposant une parade complètement démesurée avec des pièces d'histoire et des anciens combattants. La parade commence ainsi avec ces deux Rolls-Royce autrefois propriété du commandement de l'armée anglaise, qui emmènent deux anciens combattants anglais à bord pour des tours de parade à très basse vitesse. Au passage des deux voitures devant moi, l'ensemble de la tribune se tait, se lève et applaudit sans relâche ces deux "vétérans" comme ils les appellent ici. S'ensuit un discours de Lord March rempli d'émotions, puis une interminable parade d'engins militaires en tout genre, des Jeep Willys aux camions amphibies, en passant par les chars et les motos d'infanterie. Je ne pensais pas voir cela sur un circuit un jour, mais cela tombe à point nommé pour rendre un hommage des plus réussis à une période qui a inévitablement influencé celle à laquelle on s'est prêté au jeu tout au long du weekend.
Pour relancer les spectateurs et l'ambiance du site, c'est au tour de la course tant attendue du RAC TT Celebration, qui rend hommage à la prestigieuse course du Tourist Trophy, autrefois tenue sur ce circuit. S'il y en a une qu'il faut gagner à Goodwood, c'est celle-ci et les pilotes le savent bien. On y retrouve, entre autres, André Lotterer, Tom Kristensen, Marino Franchitti, Dario Franchitti, Emanuelle Pirro, Rinaldo "Dindo" Capello, Marcel Fässler, Romain Dumas, Neel Jani, Darren Turner... Bref, la crème des pilotes vient se mesurer aux exigeantes GT des années 1960 à 1964 dans une course fantastique, avec le soleil en guise de rideau final !
Sur ces filés à très basse vitesse, il est temps de quitter le circuit par Over the Road, la fête foraine se situant de l'autre côté de la route (ça ne s'invente pas) afin de rentrer en France. C'est la fin d'un week-end de rêve, où la passion de l'automobile classique ne fait qu'un avec celle de revivre des moments forts d'une période révolue. Je le répète et persiste, les anglais ne vivent pas comme nous et n'hésitent pas à repousser les limites du possible pour faire de leurs événements les plus désirables et incroyables qui puissent exister. Goodwood, je reviendrai, mieux préparé, dans un meilleur état et surtout, je l'espère, avec un grand soleil...