Billet : Pourquoi les années 1990 sont la décennie reine des supercars ?
Textes par Théo Castel, photos par Théo Castel, Valentin Bourgeois et les constructeurs.
Alors que l'entrée dans la décennie 2020 approche à grands pas, replongeons-nous dans ce qui est pour moi l'âge d'or des supercars : les années 1990. Certes, le 21ème siècle est de loin le plus prolifique en autos ultra-exclusives. Bien sûr, les Porsche Carrera GT, Ferrari Enzo, McLaren P1, Bugatti Veyron, Koenigsegg Agera ou encore Aston-Martin One-77 sont des joyaux. Oui, les années 1970-80 ont vu naître cette catégorie à proprement parler avec les Lamborghini Miura et autres Ferrari 288 GTO. Mais mon penchant pour la décennie 90 est indéfectible. Voici pourquoi, en cinq raisons.
Parce que leurs dessins extravagants ont marqué les esprits
Une supercar des années 1990 ne laisse pas indifférent. Qu'on l'aime ou qu'on la déteste, la Ferrari F50 en est le meilleur exemple. Elle est basse, longue, large et son dessin tout en rondeurs se termine par un immense aileron moulé comme on n'en fait plus. Très décriée, elle est pourtant l'un des piliers de son époque et dispose selon moi d'un charme fou, a fortiori dans les bonnes couleurs : oubliez le rouge, trop basique, et visez le jaune, le noir ou le gris !
Question biodesign, Jaguar s'est d'ailleurs illustré avec brio. Ce n'est pas une mais deux supercars que la marque de Coventry a mis au point durant ces années dorées. La XJR-15 ouvre le bal en 1990, avec un V12 de 456 chevaux directement issu de la compétition. Sa carrosserie en carbone, superbement ondulée, tranche avec son ADN de pistarde. Produite à seulement 50 exemplaires, la XJR-15 se fait bien plus rare que celle qui l'a éclipsée dans les mémoires : sa petite sœur la XJ220. Plus répandue avec 275 exemplaires vendus, celle-ci arbore un dessin encore plus fluide. Lisse comme un galet, elle impressionne par ses dimensions : 4,93m de long pour 2,22m de large et seulement 1,10m de haut ! Un chef d'œuvre esthétique on ne peut plus typé.
Parce que c'était l'époque folle des GT 1
En 1997, la Fédération Internationale de l'Automobile crée le championnat FIA GT qui s'organise en trois catégories dont la plus prestigieuse est la GT1. Celle-ci autorise de larges modifications sur les voitures, notamment en matière d'aérodynamique. Les règles prévoient également la fabrication de 25 exemplaires routiers. C'est ce critère qui a donné naissance à des modèles légendaires et qui leur donne une saveur si particulière. Les véhicules d'homologation n'ont plus grand-chose à voir avec les voitures de série dont ils dérivent. En résultent des autos complètement folles. La plus iconique est l'incroyable Mercedes-Benz CLK GTR AMG. Elle est à mon sens celle qui incarne le mieux l'esprit GT1. Rareté extrême, lignes spectaculaires, V12 développant 612 chevaux, conduite éprouvante : tous les ingrédients sont là ! Et dire qu'elle s'est payé le luxe d'une version Roadster encore plus exclusive.
Sa grande rivale d'alors est allemande et provient de la ville voisine de Zuffenhausen. Son nom : Porsche 911 GT1 Straßenversion. Les mêmes principes cités au dessus sont appliqués pour créer un dérivé terrifiant de la 911. Jamais le dessin du légendaire coupé n'aura été autant adapté à l'extrême…Plus typée nineties, la 911 GT1 est certainement moins équilibrée mais c'est ce côté "dérivé fou" qui fait son charme !
Bien plus confidentielles ont été les Nissan R390 GT1 et Lotus Elise GT1. En 1997, le constructeur nippon voyait les choses à sa façon : l'objectif était seulement de courir aux 24 Heures du Mans. Mais surtout, Nissan a décidé d'élaborer d'abord son prototype de compétition pour ensuite en dériver une version routière. Bilan : un unique exemplaire homologué qui n'a jamais été vendu. Avec ses 550 chevaux et ses formes extrêmement plates et fines, la R390 reste néanmoins une pure supercar en phase avec son époque.
Histoire similaire chez Lotus. Faute de moyens financiers suffisants, la marque de Colin Chapman a profité du règlement flexible de la FIA pour ne fabriquer qu'un seul exemplaire d'homologation de son Elise GT1. Là encore, botox et testostérone sont injectés dans un modèle de série – l'Elise – pour un résultat délicieusement terrifiant. Le V8 issu de la Corvette C4 ZR1 écarte encore un peu plus l'Elise GT1 de sa lointaine génitrice. Dommage qu'elle ne soit qu'une pièce de musée…
Histoire similaire chez Lotus. Faute de moyens financiers suffisants, la marque de Colin Chapman a profité du règlement flexible de la FIA pour ne fabriquer qu'un seul exemplaire d'homologation de son Elise GT1. Là encore, botox et testostérone sont injectés dans un modèle de série – l'Elise – pour un résultat délicieusement terrifiant. Le V8 issu de la Corvette C4 ZR1 écarte encore un peu plus l'Elise GT1 de sa lointaine génitrice. Dommage qu'elle ne soit qu'une pièce de musée…
Crédit photos : Nissan & Lotus
Parce que la France aussi avait sa supercar !
En 1994, le jeune constructeur français Venturi dispose déjà d'un beau savoir-faire en matière de Grand Tourisme. Mais en ce début de décennie, la marque passe à la vitesse supérieure et lance sa première supercar. 400 chevaux, forcément, c'est peu de nos jours, mais à l'époque, elle était la plus puissante des voitures françaises produites jusqu'alors ! Et son look annonçait clairement la couleur : aileron façon Ferrari F40, phares escamotables et ailes excessivement larges pour abriter un moteur central-arrière façon compétition. Rappelons qu'elle en est d'ailleurs directement issue et qu'elle atteint les 300km/h ! La cerise sur le gâteau ? La 400 GT était équipée de freins en carbone, une première mondiale sur une voiture de route ! Alors, bravo Venturi pour avoir osé la 400 GT…
Parce que des icônes sont nées
Bien entendu, à chaque décennie ses icônes. Mais il faut reconnaître que les années 1990 ont vu apparaître des modèles qui ont marqué plusieurs générations. Tout le monde connaît ces reines de la route dont l'aura est intacte. La Lamborghini Diablo a réussi à succéder avec brio au choc qu'a représenté la Countach et fut celle qui a fait entrer le taureau dans l'ère moderne. La version GT, éphémère voiture de série la plus rapide du monde, est un chef-d'œuvre à mes yeux…
La EB110 a marqué le retour en force de Bugatti après des décennies d'absence. La démesure était là et la supercar "à la face de TGV" a ouvert la voie vers l'incroyable Veyron.
Esprit italien, V12 AMG allemand chantant merveilleusement et nom provenant de la Cordillère des Andes : la Pagani Zonda est unique en son genre. Lancée en 1999, elle incarne le rêve concrétisé d'un ingénieur-artisan à la passion sans limites…
Mais s'il ne devait en rester qu'une, l'ultime, LA supercar, ce serait la McLaren F1. Elle est extrême à tous les niveaux. Son développement s'est fait sans aucune contrainte, par un constructeur au palmarès sportif immense et par des ingénieurs de génie. Elle dispose de trois places dont le pilote en position centrale. Son compartiment moteur utilise la feuille d'or comme isolation thermique, façon technologie spatiale. Son entretien ne peut se faire qu'avec un ordinateur d'époque. Et surtout, elle a été la voiture de série la plus rapide du monde (386km/h) et l'est toujours dans la catégorie des véhicules atmosphériques. Celle dont le nom est insolemment évocateur de sa domination représente la quintessence de l'automobile sportive et demeure aujourd'hui inégalée…
Parce que la folie des ingénieurs était sans limites
Quand on entend "Aston-Martin", on pense à l'élégance feutrée britannique. Dans les années 1990, la marque est en effet peu orientée sport et absente de la scène supercar. Pourtant, à Gaydon, on décide de pimenter les choses et la lisse Virage devient Vantage grâce à l'ajout de deux compresseurs à son moteur V8. Mais c'est avec la version V600 Le Mans qu'Aston-Martin met tout le monde d'accord. Produite à seulement 40 exemplaires, elle voit sa puissance grimper à 600 chevaux. Sa carrosserie a beau être en aluminium, elle affiche près de deux tonnes sur la balance ! Au rayon esthétique, la V600 LM ne fait pas dans la dentelle mais plutôt dans le bodybuilding. Une machine déraisonnable au look hors-normes qui nous régale toujours, vingt ans après.
Question outrage, la palme d'or revient sans conteste à TVR. En 1997, l'artisan anglais met au point un véritable monstre dans le but d'homologuer sa Cerbera en GT1. Celle qui s'appelait d'abord Project 7/12 devient Speed 12 et abrite un colossal V12 de 7.7L de cylindrée. Le bruit court que cette folle création développerait 1000 chevaux… Afin de rendre le prototype conduisible, la puissance est par la suite réduite à "à peine" plus de 800 chevaux. Avec une carrosserie en carbone faisant passer la bête sous la tonne, on comprend pourquoi la marque l'annonçait plus rapide qu'une McLaren F1… De l'extérieur, la Speed 12 semble avoir reçu un kit large à la Need for Speed et son aspect donne des frissons. D'ailleurs, le patron de TVR confiera avoir été littéralement terrorisé au volant de la Cerbera lors de ses phases d'essais et le modèle n'a jamais dépassé le statut d'exemplaire unique…
Crédit photos : TVR
Vern Schuppan est un pilote australien ayant brillé dans les années 1980 avec une victoire aux 24 Heures du Mans 1983. La décennie suivante, il décide de construire sa propre supercar. L'objectif ? Créer un dérivé de route de la fameuse Porsche 962, légende du Groupe C. Rien que ça ! La Schuppan 962CR reprend donc le design de la championne dans deux versions, l'une plus fidèle et l'autre plus arrondie. Il en résulte une voiture à la présence incroyable et à la rareté absolue : seuls cinq exemplaires sur les six produits existent encore aujourd'hui !
Crédit photo : Bingo Sports Japan
Comment ne pas évoquer Vector dans cette section ? Entre la fin des années 1970 et l'aube des années 1990, la petite marque américaine met au point une supercar, la W8. Avec sa carrosserie en carbone-kevlar-fibre de verre et son intérieur mixant K2000 et Aston-Martin Lagonda, la W8 est un OVNI, plus proche du vaisseau spatial que de l'automobile. Et ce n'est pas son V8 biturbo la propulsant à 389km/h ni son physique quasi-burlesque qui diront le contraire. Le plus fou ? Peut-être sa boîte de vitesse automatique à trois rapports. Ahhh, l'Amérique… La Vector W8 connaît une véritable petite production puisque 22 exemplaires sortent d'usine et sont vendus à de riches personnalités telles qu'André Agassi ou le prince d'Arabie Saoudite d'alors. Les évolutions WX-3 et WX-3R (un roadster !) auront raison de la marque et ne passeront pas le stade de prototype…
Crédit photos : Vector
C'est sur cette note de folie que s'achève cette plongée dans le monde merveilleux des années 1990. J'espère vous avoir donné envie de rejouer à Need For Speed II en écoutant Prodigy ou Roland Brant !