Tour Auto 2018 – Étape 5 Aix-en-Provence-Nice
Texte et photos par Théo Castel
Chantilly Arts & Elegance, Le Mans Classic, Les Dix-Mille Tours du Castellet… tous ces événements résonnent forcément dans la tête des mordus d’automobile. Mais si Peter Auto, l’organisateur, sait nous régaler tout au long de l’année, c’est bien le Tour Auto qui constitue sa pièce maîtresse. Jugez plutôt : 230 participants au volant de véhicules anciens très éclectiques, cinq étapes sur les routes de France pour un total de plus de 2000 kilomètres, des spéciales sur routes fermées et quatre sessions sur circuit ! Le tout étant bien évidemment chronométré car c’est une véritable course où les pilotes s’affrontent dans les catégories « Compétition » et « Régularité ». Mais surtout, le Tour Auto, c’est une une course historique âgée de plus d’un siècle ! Né « Tour de France Automobile » presque en même temps que l’automobile, en 1899, l’événement devient une institution qui passionne les foules durant la décennie reine des années 1960. Tous les principaux constructeurs se livrent alors bataille et s’arrachent les pilotes les plus prestigieux. Malheureusement, le choc pétrolier de 1973 aura eu raison du Tour Auto et la course ne réapparaît sous sa forme originelle qu’en 1992 lorsque Peter Auto décide de la faire renaître de ses cendres. Partis, comme à leur habitude, du Grand Palais à Paris, les participants avaient cette année la chance d’arriver à Nice, ville historique du Tour ! C’est lors de cette dernière étape sur les routes de la Côte d’Azur que j’ai pu aller suivre une partie des engagés. Récit d’une journée palpitante !
Si mon objectif était à l’origine de rallier Aix-en-Provence à Nice, soit l’intégralité de l’étape 5, j’ai du me résoudre à n’effectuer qu’une partie du trajet dans les Alpes-Maritimes. Qu’importe, le terrain de jeu est déjà bien assez grand, surtout pour un novice comme moi qui suit son premier Tour Auto ! Le point de départ est donc fixé au Logis-du-Pin, une minuscule commune de l’arrière pays Grassois où se trouve le cossu château de Taulane, un complexe hôtelier offrant golf et nature à perte de vue. Avant même l’arrivée des premiers engagés, c’est un public de passionnés que l’on retrouve à ce niveau de l’étape, en témoignent ces deux superbes Renault 5 Turbo et Volkswagen Golf I GTI.
Très vite, les voitures ouvreuses arrivent, dont la toute nouvelle BMW M5, génération F90.
Peter Auto précise que sa philosophie est de n’autoriser que les voitures ayant participé au Tour de France Automobile original entre 1951 et 1973. Une belle initiative qui permet de contempler des monstres sacrés de la compétition. Ci-dessous, quelques fers de lance du plateau régularité : la somptueuse Ferrari 250 MM, une 275 GTB et la Maserati 200 SI, qui, au passage, s’est adjugée l’indice de performance dans sa catégorie.
Cyclisme et course automobile, voilà deux mondes qui se conjugent à merveille sur les routes de montagne !
Le Tour Auto, un rendez-vous huppé réservé aux puissantes autos de compétition ? Cette « Deuche » prouve le contraire et marque l’éclectisme bienvenu de la course.
Le premier plateau arrivant regorge de Ferrari des années 1960. Quel plaisir pour les yeux d’admirer cette 250 GT Lusso (ma favorite), cette Dino 246 GT ou encore cette 275 GTB rouge cerise !
Ce petit restaurant de montagne dans une vieille bâtisse offre un pittoresque décor à cette Porsche 356 A Super 1600.
Les participants arrivant petit à petit, c’est l’occasion pour moi de varier quelque peu mes angles de prise de vue.
Direction le château de Taulane à présent pour découvrir ce lieu très chic. En chemin, je croise deux autre belles italiennes des années 1960, la 250 GT Boano et une autre 275 GTB, noire cette fois-ci.
Arrivé au parking, c’est une déferlante de modèles iconiques qui s’offre à moi : BMW 507 (on notera sa couleur bleu turquoise mariée à l’intérieur rouge, pour le moins audacieuse !), Lancia Stratos, Porsche 911 ou encore Ferrari 275 GTB.
Le Tour Auto n’est assurément pas une exposition de véhicules de musée. Cette paire de gants de conduite délicieusement posée sur le tableau de bord d’une Porsche 356, ce pilote s’affairant sur la mécanique de sa Jaguar ou encore cette belle combinaison de course le prouvent : l’ambiance est à la compétition !
En me dirigeant vers le château je croise ce qui est peut-être l’auto la plus bruyante de la journée : une monstrueuse Ferrari Daytona Groupe IV. Dérivée de la version de série, la Daytona à la sauce compétition voit son V12 monter à 400 chevaux en 1971 voire 450 chevaux dans son ultime déclinaison de 1973. Une bête dont l’énorme pot d’échappement latéral s’occupait de cracher les gargarismes du moteur. Terrifiante…
En plein cœur des préalpes de la Côte d’Azur, à une heure et demie seulement de la mer, le Château de Taulane offre un décor assez sensationnel. Le lieu était donc tout trouvé pour regrouper ces belles anciennes au milieu de la nature, rendant l’ambiance très particulière. Ah, la magie du Tour Auto…
La déambulation se poursuit au milieu des bolides. Le panorama offert de la production des années 1950 à 1970 a le mérite d’être très fourni, c’est le moins que l’on puisse dire !
Mon coup de cœur de la journée est cette très élégante Lancia Flaminia Super Sport. Tout y est : le charme latin de son dessin ciselé, audacieux et équilibré, le nom évocateur et cette magnifique partie du château qui me transporte, l’espace d’un instant, dans un petit village italien. Avec la plaque d’immatriculation qui va bien, on s’y croirait…
Avant de reprendre la route, j’effectue un rapide petit tour du reste des voitures et profite une dernière fois du cadre idyllique.
Tandis que de nombreux participants ont déjà quitté le château, nous partons nous aussi en direction de Gréolières. Commence alors une longue portion en pleine nature, de quoi bien se défouler pour les pilotes !
Une fois la commune de Thorenc dépassée, la départementale 2 se mue en une incroyable route creusée dans la roche et à flanc de falaise. Le terrain de jeu est plus que propice pour cette Lancia Stratos de rallye, dont le bruit assourdissant raisonne dans toute la montagne. Étant donnée la vitesse à laquelle déboulent les autos, l’ambiance d’une spéciale de rallye est bel et bien là !
Si c’est une Lotus Elan 26R qui a remporté le Tour Auto au classement général Compétition VHC, cet exemplaire-ci n’est pas l’heureux vainqueur mais s’adjuge tout de même une honorable troisième place, avec à son volant l’équipage français Damien Kohler et Sylvie Laboisne. Appréciez au passage la route grandiose qui passe sous un tunnel de roche naturel !
Bien que la course impose aux photographes de se déplacer en permanence pour suivre un maximum de voitures, l’endroit est trop beau pour que je n’y reste pas quelques dizaines de minutes. Passent alors devant mon objectif cette Alfa Romeo Giulia, une BMW 2002 Turbo et ma chère Lancia Flaminia Super Sport.
Nous revoilà sur la route en direction de Vence cette fois-ci, en charmante compagnie. En effet, nous nous retrouvons à la poursuite de cette Ferrari 275 GTB, une expérience singulière et très plaisante ! On remarquera le carrossage négatif assez déroutant sur le train arrière de l’italienne. Pris en étau entre la belle des années 1960 et une horde de Ferrari modernes derrière nous, nous n’avons pas le choix : il faut suivre le rythme ! Mon pilote pousse notre vaillante Clio dans ses retranchements et la petite s’en sort honorablement, à l’assaut des enchaînements de virages, tandis qu’en place passager je parviens tant bien que mal à prendre quelques clichés.
Nous nous établissons pour le déjeuner en amorce du col de Vence. Cette Ferrari Challenge Stradale, qui fait partie du groupe de « modernes » qui suit le Tour, s’engage dans la montée accompagnée du hurlement de son V8. Développée sur base de 360 Modena, elle demeure aujourd’hui l’une des Ferrari de route les plus radicales de l’ère récente, délicieusement sans compromis…
La dernière spéciale sur route fermée de la journée est l’ascension du célèbre col du Turini, dans l’arrière pays Niçois. Nous faisons le choix d’attendre les voitures sur le versant descendant pour ne pas être gênés par les restrictions imposées aux photographes aux abords des spéciales. Après plus d’une heure à crapahuter dans la montagne en passant par des petits villages reculés, nous nous retrouvons sur le bon itinéraire, isolés en pleine forêt. Isolés à tel point que nous rencontrons un renard quelque peu hagard sur le bord de la route. Il s’agissait de faire partir la bête pour ne pas qu’elle se fasse écraser par l’un des pilotes dévalant la montagne…
J’ai précédemment mentionné l’éclectisme du Tour Auto. A la vue de cette Ford Galaxie 500, c’est immédiatement le mot qui me vient en tête. Plus à l’aise dans un épisode des Envahisseurs (pour les connaisseurs) que sur le tracé sinueux et accidenté d’un col de montagne, l’américaine apporte un air de diversité dans un plateau très européen.
Panhard Dyna, Ferrari Daytona Groupe IV, Porsche 356, Dino 246 GT…Les participants défilent et viennent perturber le calme absolu de cette forêt d’altitude. Voilà ce que représente pour moi la magie de cette course : photographier des véhicules iconiques en pleine nature, bien loin de l’agitation et du bourdonnement des villes ou de l’euphorie des circuits.
Les Ferrari V12, reines du plateau.
Dans la catégorie « insolite », voilà sans hésitation les deux vainqueurs de la journée. Bien que la célébrissime Citroën 2CV ne soit pas rare sur nos routes, en voir une participer à une course d’une telle ampleur, qui plus est en jouant le jeu à fond (admirez cette tenue de route assortie d’un vertigineux roulis !), est assez remarquable. Mais c’est une suédoise qui retient davantage mon attention, de par sa rareté. Cette Saab V4 au phare central ne ressemble à aucune autre et apporte une touche d’exotisme amusante à l’ensemble.
Ici la sublime Ferrari 250 GT Lusso, encanaillée par son absence de pare-chocs et l’adhésif anti bris de verre sur les phares. Qui a dit qu’une élégante GT ne pouvait pas se frotter au terrain ?
Une fois les derniers équipages passés sous nos yeux, nous reprenons la route avec pour clap de fin le privilège de suivre pour la seconde fois une 275 GTB, cette fois-ci dans un très distingué rouge bordeaux.
Le manque de temps aura eu raison de notre équipage et nous n’avons pas pu nous rendre sur la ligne d’arrivée de cette 27ème édition, place Masséna à Nice. Voilà très certainement le seul bémol de ce qui a été pour moi ma première expérience au Tour Auto : l’ampleur de la course. En effet, en une journée à travers les routes des Alpes Maritimes nous n’avons pu suivre qu’un seul plateau, laissant derrière nous bon nombre de participants qui sont arrivés avec plusieurs heures d’écart. Mais au-delà de ces considérations logistiques, le Tour Auto est une course merveilleuse. Le choix des routes, la qualité et la variété des véhicules engagés, les villes-étapes et surtout le fait de se retrouver en pleine nature concourent à faire de l’événement un rendez-vous incontournable pour tout passionné. L’ambiance compétition « à l’ancienne » est bien là et l’hommage rendu au Tour de France Automobile est à la hauteur. A n’en point douter, le pari est réussi.