Chantilly Arts & Elegance - Richard Mille 2022
Pour sa sixième édition, le plus chic concours d’élégance français mettait les petits plats dans les grands. Retour sur un weekend qui fut à la hauteur de nos espérances et de nos attentes.
Il aura fallu patienter trois ans avant de ressortir chapeaux et costumes pour fouler de nouveau les pelouses de Chantilly. Le château se languissait d’accueillir les plus belles voitures du monde, offertes dans un cadre d’exception à 20 000 visiteurs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’édition 2022 de Chantilly Arts & Élégance nous en a mis plein la vue.
Il aura fallu patienter trois ans avant de ressortir chapeaux et costumes pour fouler de nouveau les pelouses de Chantilly. Le château se languissait d’accueillir les plus belles voitures du monde, offertes dans un cadre d’exception à 20 000 visiteurs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’édition 2022 de Chantilly Arts & Élégance nous en a mis plein la vue.
Jour 1 - Samedi 24 septembre. Le Chantilly Tour
Traditionnellement, c'est le samedi que les festivités commencent. Au petit matin, le domaine de Chantilly se réveille au son des vieilles mécaniques qui s'élancent dans le "Chantilly Tour", un rallye touristique d'une petite centaine de kilomètres en région d'Aumale. Un passage par le centre d'essais de Mortefontaine est notamment prévu, qui sera notre premier arrêt photo de la journée !
Durant les précédentes éditions, le rallye était scindé en deux itinéraires : les classiques suivaient un parcours différent des "supercars". Il s'agissait alors d'un casse-tête pour nous, photographes, qui souhaitions suivre les deux. Fort heureusement, Peter Auto a revu sa copie et désormais, les deux rallyes suivent le même parcours pour notre plus grand plaisir. Il faut avouer que voir une Bugatti EB110 et une Delahaye 235MS Coupé Anthem entièrement d'origine à quelques minutes près, c'est assez exotique !
La journée continue et nous retrouvons les participants du rallye au Polo Club d'Apremont pour le déjeuner, avec match s'il vous plaît !
Puis, les participants reprennent la route direction le Château de Chantilly, car les jurys vont passer en revue le concours d'état pendant l'après-midi. Nous faisons de même, mais nous vous réservons nos photos pour notre reportage sur le Concours d'Etat, un peu plus bas sur cette page...
Jour 2 - Dimanche 25 septembre. Promenades
8h, nous sommes parmi les premiers à profiter du lever de soleil dans le parc du château. Peu de monde et des voitures idéalement disposées pour les photos dans une atmosphère fraîche et humide. Le stand Bugatti présente un bel alignement : d’une part, quatre EB110 dont une Supersport, une Le Mans et une Dauer. De l’autre, une collection de Veyron et Chiron. Du solide.
La promenade se poursuit a gré des allées de gravier, nous permettant d’apprécier les belles encore endormies telle cette sublime Lamborghini 350 GT carrossée par Touring.
Il est neuf heures, et l'ouverture au public est fêtée par plusieurs cors.
Sur le stand Pagani, un assortiment des modèles iconiques de la marque était présenté : Zonda S, Zonda F, Huayra 760 VR. Notre préférence va à la F, pure et très élégante dans sa robe argentée aux jantes chromées.
En fin de matinée, tandis que le public flâne au milieu des quelques 800 voitures, les différents engagés au Concours d'État commencent à s’activer pour présenter leurs autos au jury des prix par classe. L’occasion pour nous d’admirer en mouvement quelques uns des chefs d’œuvre présents cette année.
Le Concours d'État
Les plus belles voitures du monde ! Les voitures exposées sur les pelouse Le Nôtre sont réparties en 17 classes, qui ont toutes un thème spécifique. Les participants sont en lice pour le 1er prix de chaque classe et un prix spécial peut également être décerné par le jury, composé de grands noms de l'automobile tels que Pierre Fillon, Stéphane Darracq, Margot Laffite, Paul Belmondo, Andrea Zagato, Laurens Van den Acker, Carlos Tavares... Ils donnent alors une note à chaque voiture exposée selon un examen poussé de celles-ci : authenticité, historique, design, élegance, état intérieur et extérieur, état de fonctionnement... Tout sera passé au peigne fin pour s'assurer de la qualité du modèle présenté.
Commençons sans plus tarder avec la première catégorie de ce concours, qui fait hommage à Roland d'Ieteren : La Carrosserie Touring (Avant-guerre). Durant les années trente, il était peu concevable pour un propriétaire de véhicule exclusif de se cantonner à la carrosserie d'origine de celui-ci. Touring était alors l'une des références en la matière, ayant réalisé nombre de carrosseries personnalisées, notamment sur des modèles italiens (Alfa Romeo, Fiat...). Tant de modèles qui sont aujourd'hui très appréciés pour la finesse de leur dessin.
Toujours dans la Carrosserie Touring, nous passons à présent aux modèles d'après-guerre. L'arrivée des carrosseries monocoques met en difficulté nombre de grands carrossiers, mais Touring résiste grâce à des séries spéciales avec des constructeurs tels que Maserati, Lancia ou Lamborghini. Notre favorite de cette classe est la Pegaso Z102 "Thrill" de 1953 et ses formes très futuristes.
Terminons les classes dédiées à la Carrosserie Touring avec les modèles depuis les années 2000. Roland d'Ieteren, figure de l'automobile, préside alors la carrosserie et va lui donner un nouveau souffle sous forme de modèles hors-série avec l'histoire comme dénominateur commun. La Ferrari F12 Berlinetta, la Maserati GranCabrio et même l'Alfa Romeo 8C se verront affubler d'une nouvelle carrosserie et il y aura même des inédits tel qu'une Mini Roadster !
Éloignons-nous quelque peu du monde des carrosseries de renom pour nous intéresser aux voitures de course. Plusieurs classes étaient proposées cette année, dont une première concernant la période 1905-1925. Petit florilège de ces modèles méconnus :
Restons dans les voitures de course avec la classe "La légende des 24 heures du Mans, vitesse et aérodynamisme sur les Hunaudières". Une dénomination bien longue mais qui nous proposait un plateau d'exception, avec la présence de la magnifique Ferrari 512M aux couleurs Sunoco qui remporte sans surprise le premier prix.
"Les 24 heures du Mans", telle était l'exposition attenante à cette classe. Le trophée du centenaire de la course, qui aura lieu en 2023, était fièrement exposé entouré d'une rétrospective des moments forts de toutes les éditions passées... Nous avons hâte !
La classe qui suit était dénommée "La course à l'indice de performance", toujours sur ce thème des 24 heures du Mans. Le règlement inventif de la course a longtemps encouragé les petites cylindrées, qui concouraient alors pour la victoire à l'indice de performance. Le premier prix revient à la Panhard Monopole X86.
Envolons-nous désormais de l'autre côté de l'Atlantique pour l'hommage à Betty Kadoorie et la classe des voitures de sport américaines ouvertes. "Lady Betty", disparue en 2021, en était l'une des plus ferventes collectionneuses, entre les Allard, Chaparral et Nash-Healey.
Les voitures iconoclastes de 1968 à 1980 : préparez-vous à une sélection des autos les plus originales, décalées et uniques des Trente Glorieuses. Et commençons dès maintenant avec la Ferrari 365 P Berlinetta Speziale "Treposti", que l'on peut considérer comme l'ancêtre de la McLaren F1 avec sa configuration trois sièges et volant en position centrale. Ce modèle unique est bien sûr reçu 1er.
Que serait un concours d'état sans sa Miura ? La P400S que vous allez découvrir est celle qui grimpe les lacets du col du générique de The Italian Job (L'Or se barre par nos contrées). Perdue pendant de longues décennies, elle s'est fait refaire une beauté auprès du département Polo Storico de la marque italienne et rutile sur les pelouses des jardins Le Nôtre. Elle remporte le prix spécial.
Le reste de la classe est tout aussi... iconoclaste. La jaune est une Lancia Fulvia HF Competizione (oui celle à laquelle vous pensez) et la Rolls Royce est un audacieux break pour aller pique niquer : l'arrière abrite une douche, un réfrigérateur et un réchaud à gaz !
De Tomaso. Si vous êtes passionnés d'automobile, ce nom ne vous est certainement pas inconnu. Avec des modèles au fort caractère sportif dans les années 70, la marque veut aujourd'hui renaître avec la P72. Une petite rétrospective était donc proposée à Chantilly !
Remontons un peu dans le temps pour nous intéresser maintenant aux barquettes depuis les années 50. Seule Porsche engagée cette année sur tout le concours, la 718 RSK n'a malheureusement pas impressionné Carlos Tavares, contrairement à la Talbot-Lago T26 GS Barchetta Motto.
Comme présenté au début de cet article, La Maison Pur Sang était cette année mise à l'honneur au travers de plusieurs classes mais aussi d'expositions. Voici la première classe, dédiée aux Bugatti Type 55, qui était habilement accompagnée de 5 Type 35 de taille réduite.
Non loin des Type 55 était exposée la Classe "Bugatti, la Renaissance" qui met en avant les modèles de "l'ère Campogalliano". Un superbe alignement d'EB110 nous accueillait, de la SS Le Mans à la Dauer SS en passant par la GT.
Les classes restantes étaient dédiées au 70ème anniversaire de la Bentley Continental, au constructeur Hispano-Suiza et à Alpine. De très jolis modèles s'y trouvaient, avec notamment l'Hispano Suiza H6C Dubonnet Xenia, considérée comme l'une des plus belles voitures au monde.
Le concours d'Élégance
Une fois les anciennes passées autour du miroir central, c'est autour des voitures actuelles et du futur de défiler dans le concours d'élégance. La règle est assez simple : faire défiler l'une des dernières créations de la marque accompagnée d'un grand couturier, qui habille alors un ou une mannequin qui s'accorde au véhicule présenté. C'est toujours un moment agréable, surtout que l'on a l'habitude de voir ces voitures plutôt exposées dans des salons. Commençons avec une première européenne, l'Aston Martin DBR22 qui rend un vibrant hommage à la DBR1 victorieuse des 24 heures du Mans. Design néo-rétro, carrosserie en fibre de carbone et moteur V12 bi-turbo sont les ingrédients de cette somptueuse barquette que l'on emmènerait bien sur un col de montagne !
Toujours présentée en première européenne, la dernière réalisation du département Mulliner de chez Bentley n'est pas là pour faire de la figuration. La Batur, c'est son nom, arrive à un moment charnière pour Bentley dans sa volonté de transformer le département Mulliner. Nous avions déjà découvert la Bacalar au Mans Classic, la Batur est sa version Coupé ultra limitée qui préfigure l'avenir de l'automobile de luxe : pas de fibre de carbone mais des composites à partir de lin, cuir produit de manière durable, tapis de sol en fil recyclé et textiles issus de sous-produits de la torréfaction du café. L'avenir de Bentley s'annonce palpitant !
Bugatti est, depuis 2005, synonyme du fabuleux W16 quadriturbo de 8 litres de cylindrée qui, outre ses performances exceptionnelles, n'est pas forcément synonyme de respect de l'environnement. La marque va donc prochainement dire au revoir à ce moteur, pour se reconcentrer sur un moteur moins gourmand mais surtout sur l'hybridation de ses modèles. C'est pour cela qu'il fallait fêter la fin de ce W16 qui a fait battre le coeur successivement des Veyron, Chiron, Divo et Centodieci. 1600 chevaux et 1600 Nm de couple, c'est le bloc moteur qui a propulsé la Chiron Supersport à 490 km/h qui prend place derrière le conducteur. La W16 Mistral est un dernier hommage cheveux aux vents à ce fantastique moteur, sous forme d'un sublime Roadster limité à 99 exemplaires, tous vendus. Le ciel de Chantilly s'est assombri jusqu'à verser quelques gouttes lors du passage de la voiture autour du miroir central, preuve qu'une page de l'automobile est en train de se tourner... Merci W16.
Un moteur disparaît, une marque renaît. Delage était présente avec la D12, une voiture biplace unique qui reprend la configuration d'un avion de chasse avec la position de conduite centrale. Le V12 7.6l maison fait 990 chevaux, épaulés par un moteur électrique de 110 chevaux. Le but est d'aller chercher le record au tour du Nürburgring pour une voiture homologuée route, car oui, l'un des trente-deux propriétaires pourra mettre une plaque d'immatriculation dessus. Toujours est-il que la faire défiler à basse vitesse sur le miroir central n'était pas possible, nous poussant à penser que ce rêve est encore lointain !
Les renaissances se suivent mais ne se ressemblent pas : DeTomaso le fait de la plus belle des manières avec la P72, une superbe supercar néo-rétro qui puise son inspiration dans les 330 P4 des 24 heures du Mans, entre autres. Intérieur ultra soigné, V12 qui hurle derrière le conducteur et portes en élytre : on en verrait bien une dans notre garage !
La voiture suivante est un concept car assez particulier, puisqu'il renferme une motorisation et les trains roulants d'une Formula E. La DS E-Tense Performance nous montre un avenir sportif pour la marque DS, avec 815 chevaux et 8000 Nm de couple. Vous avez bien lu, huit mille. DS s'est mis en tête d'abattre le 0 à 100 en moins de 2 secondes avec ce modèle, notamment grâce à des phases d'accélération allant jusqu'à 600 kW. Décoiffant !
Comme chaque année, McLaren ramenait une voiture de série qui était présentée comme un concept car. Après la 570 GT, la 720S et la Speedtail, c'était au tour de la dernière-née de défiler à Chantilly : l'Artura. Avec son V6 biturbo et son architecture hybride rechargeable, il faut avouer qu'elle fait office d'ovni parmi les supercars. La décoration "Art Car" était cependant sympathique !
Nous en arrivons à LA première mondiale de cette édition de Chantilly Arts & Elegance : la Renault 5 Turbo 3E. Vibrant hommage à la R5 Turbo 2, elle préfigure le style de la prochaine R5 qui sera dévoilée en 2023. Renault entend également lancer un appel à la FIA avec ce modèle, afin de la faire rouler en Championnat du Monde des rallyes en 100% électrique, chose impossible actuellement. Carrosserie élargie, entrées d'air gigantesques, jantes avec aerofans, aileron surdimensionné... Tous les codes d'une voiture de rallye sont de la partie et, de plus, elle est opérationnelle au point de pouvoir reproduire les fameux 360° de Jean Ragnotti. Que demander de plus ?
L'autre première mondiale de cette édition est la Volkswagen Group GEN.TRAVEL, une étude de style qui préfigure le futur de la mobilité zéro-émission de première classe. Loin de la beauté des modèles présentés précédemment, elle a tout de même le mérite d'offrir un espace intérieur 100% configurable selon les besoins de son utilisateur. Nous préférons la vision de l'avenir de l'automobile de Renault !
Le Grand Prix des clubs et les autres expositions
À Chantilly, on voit des voitures exceptionnelles dans le concours d'état, dans le concours d'élégance mais aussi parmi les clubs. Car oui, c'est avant tout une fête automobile et ce serait beaucoup moins vivant sans ces nombreux clubs qui en perpétuent dignement l'histoire. C'est à l'occasion de l'heure du déjeuner que nous avons déambulé dans les clubs, à la recherche des plus belles mises en scène et des pépites. Il y avait énormément de voitures présentes, vous dire que c'était simple serait mentir alors voici une petite galerie des plus belles trouvailles parmi les clubs !
Que trouvait-on d'intéressant parmi les exposants, au delà du carré Bugatti bien marqué ? Et bien nous profitions d'une superbe exposition rétrospective de l'écurie BRM, avec la présence de la BRM V16 fraîchement remise au goût du jour. Un conseil si vous venez à la voir rouler : portez des protections auditives adaptées. Lotus ramenait la nouvelle gamme Emira, Evija et Eletre, mais l'exposition dans des bungalows fermés était tout sauf photogénique. Nous aurions aimé une participation au concours d'élégance, bien dommage !
Le best of show
La fin de la journée approche et après une petite averse, les plus assidus d'entre nous sont toujours présents pour le grand moment : celui de la découverte du best of show, autrement dit le meilleur du meilleur ! Pour le Concours d'État, on ne change pas les habitudes : un prix est décerné pour les avant-guerre et un autre pour les après-guerre. Ils sont ensuite rejoints par le best of show du Concours d'Élégance et le prix du public. C'est par celui-ci que nous allons commencer avec la superbe DS E-Tense Performance qui a su plaire au plus grand nombre !
Elle est ensuite rejointe par le best of show du Concours d'Élégance, décerné à l'Aston Martin DBR22. Nous souhaitons bon courage aux équipes Aston Martin pour retirer les confettis du véhicule, d'autant plus qu'il pleuvait...
Vient ensuite le tour du best of show avant-guerre, qui sans surprise revient à l'Hispano Suiza H6C Dubonnet Xenia, un chef d’œuvre comme on en a rarement vu.
Puis, c'est la Talbot Lago T26 GS Barchetta Motto qui se voit décerner le best of show après-guerre, grande surprise d'autant plus qu'il ne s'agit pas de sa carrosserie originale. Gageons que sa participation au rallye du samedi et son parfait état ont joué en sa faveur !
De 1938 à 2022, l'automobile a bien évolué mais la recette est restée la même : la pureté des lignes.
Alors que le public se disperse et que l’air se fait plus frais, les allées du parc retrouvent leur torpeur du matin. L’évènement touche à sa fin mais nous souhaitons profiter de ces derniers instants privilégiés. Quelques initiatives sont prises ici et là, sous forme de séances photo improvisées. C’est ainsi que nous avons pu admirer l’exceptionnelle Dauer EB110 Supersport portes ouvertes devant le château. Le genre d’image qui reste gravé à jamais…
Une autre Bugatti, une Type 57 Atalante est aussi en plein shooting tandis que plusieurs Ferrari sont rassemblées autour de la 512M Sunoco.
Puis le ballet des voitures et des camions commence : nous nous rendons à la zone de stockage pour tenter des prises de vue atypiques.
À l’entrée du château aussi, le va et vient des camions de transport a remplacé celui des visiteurs. À présent seules, trois voitures ne demandent qu’à être immortalisées une dernière fois : l’exceptionnelle Ferrari 288 GTO, la sublime 275 GTB et la dernière création folle des ingénieurs Aston Martin, l’irréelle Valkyrie…
C’est à la nuit tombée, non sans une certaine mélancolie mais plein de belles images en tête, que nous quittons le domaine de Chantilly. Le succès de cette édition 2022 de très haute volée nous aura confirmé une chose : la passion automobile est bel et bien intacte.